Tributaire de la nature comme du marché, le monde de la vigne et du vin est fait d’enjeux multiples et toujours nouveaux. Ces défis, la Maison Moillard les a cernés et n’a jamais cessé de les relever. Décideur a rencontré, sur le site œnotouristique de la maison à Meursault, David Gibault, directeur commercial France Grande Distribution, et Mikaël Fuchs, responsable du service œnologie et laboratoire du site. Tour d’horizon des ambitions et des réussites d’une filière vitrine de la Bourgogne-Franche-Comté.
Décideur. Plusieurs centaines de chercheurs et décideurs de la filière du vin vont se réunir au 45e Congrès de l’OIV à Dijon. Quels devraient être les sujets à mettre sur la table en priorité selon vous ?
David Gibault. La filière viticole, c’est l’un des plus gros employeurs de la région et un élément clé de la culture française. Le vin fait partie de notre patrimoine gastronomique. À cet égard, on ne peut pas faire l’impasse sur la diminution de la consommation de vin. Comprendre pourquoi et comment la filière doit se réinventer nous permettrait d’amener nos clients à se réapproprier le vin.
Mikaël Fuchs. On a aussi besoin de travailler notre rapport au climat : on ne reviendra pas en arrière et on ne travaillera plus la vigne dans 25 ans comme on la travaillait il y a 25 ans. Le climat change, et avec lui les vins. S’adapter est nécessaire pour continuer d’élaborer des crus typiques de la Bourgogne. À côté du climat, on doit aussi faire face à des maladies ou aux insectes ravageurs qui se développent. En bref, on a urgemment besoin d’adaptation, sans quoi certains vignobles, notamment méridionaux, ne pourront plus produire dans 20 ans, 30 ans. Certains viticulteurs ont commencé à travailler des cépages résistants, des pratiques culturales, et les travaux doivent s’accélérer.
Quel état des lieux de la consommation de vin pouvez-vous dresser ?
D.G. Les ventes de vin toutes appellations en grande distribution ont baissé de 4% en volume depuis le début de l’année. La Bourgogne représente 3% de ces ventes en volume et résiste malgré tout très bien à cette érosion globale. Sur les tendances de consommation, les rosés progressent plus vite que les rouges au national, et en Bourgogne, ce sont les blancs. On a aussi vu d’autres boissons prendre le pas sur le vin, comme la bière ou le prosecco.
M.F. Les vins blancs bourguignons sont des vins assez fins, ayant une certaine typicité et des styles très minéraux, ou parfois plus gras. Cette spécificité fait notre force. C’est ce que cherchent nos consommateurs.
Quels sont les prochains défis que doit relever la filière du vin en Bourgogne notamment ?
D.G. Pour refaire du vin la star de tous les moments de vie et de partage, nous devons travailler l’élargissement de la clientèle. Compliqué de repenser nos cépages : il est difficile de créer de nouvelles variétés ou appellations, parce qu’on ne peut pas modifier l’histoire des Climats de Bourgogne. Comme on ne changera pas le produit, on doit réfléchir à une autre façon d’inciter les consommateurs à s’orienter vers nous. On doit respecter notre terroir. L’appellation « Bourgogne » est connue dans le monde entier, elle est synonyme de crus d’exception, et on ne peut pas trahir cela.
M.F. Au-delà de certaines appellations dont les prix ont flambé, on peut amener les amateurs à en découvrir d’autres, moins connues mais tout aussi intéressantes, avec des rapports qualité-prix parfaitement en phase avec les attentes des consommateurs. L’important, pour un certain nombre de clients, c’est le prix, mais c’est aussi le plaisir, la gourmandise, la fraîcheur d’un Chardonnay ou d’un Bourgogne aligoté. D.G. Et c’est là-dessus que les viticulteurs peuvent se démarquer, grâce à des dégustations, lors des ventes, mais aussi à l’occasion des foires et salons.
Les crémants de Bourgogne connaissent un succès sans précédent. Quelle est la clé de ce succès
D.G. Tout d’abord, les crémants se prêtent au moment de l’apéritif comme à celui du dessert. Ils peuvent ouvrir un repas et amener sur des vins tranquilles, comme le conclure. M.F. L’accessibilité des crémants de Bourgogne est aussi un plus. À un moment où les prix des champagnes ont flambé, les crémants de Bourgogne, eux, ont su rester très attractifs. Et la Maison Moillard, connue depuis des décennies, rassure à juste titre le consommateur. Elle le guide, notamment à travers les médailles prestigieuses remportées. Pour faire face à la demande, nous avons ouvert un nouveau site dédié à l’élaboration de crémants, dans l’Yonne, à Ligny-le-Châtel. Le crémant, c’est 2,5 millions de bouteilles vendues en 2023. L’ambition est d’avoir dépassé les 3 millions de bouteilles, fin 2024.
Maison Moillard
2, route de Dijon à Nuits-Saint-Georges
www.moillard.fr
Texte : Alban Salmon / Photographie : Jonas Jacquel, Mathieu Mathar